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Interview exclusive

5è pour mes premiers points !

Mes premiers points en Grand Prix : Franck Lucas
(Au volant de ma nouvelle voiture, une Peugeot 403 Diesel, Gigi ma femme à mes côtés, je filais vers Barcelone pour disputer la première manche du Championnat du Monde de motocross. Sur ma remorque, la 250 Greeves impeccable m’inspirait confiance.)

Les usines présentaient leurs dernières nouveautés et leurs meilleurs pilotes. Les Anglais étaient les mieux placés pour la victoire avec Bickers (Greeves), Rickman (Bultaco), Lampkin et Smith (BSA), puis Hallman (Husqvarna), Specht et Walz (Maïco), Angelini (Aermacchi) et les locaux Bulto (Bultaco) et Pi (Montesa).

Paul Godey, René Combes et moi-même représentions la France. Nous pilotions tous trois des Greeves. Même si ma moto était inférieure en puissance par rapport aux machines d’usine, j’étais ravi de me trouver sur cette piste en si bonne compagnie.

La nuit précédent la course, le temps se gâta. La pluie se mit à tomber sans discontinuer. Le matin avant de présenter les motos au parc fermé, nous avions dû nous plier à la nouvelle réglementation : effectuer le plein de carburant avec la même essence pour tous. J’étais l’un des tous premiers à me diriger vers le parc fermé.

La veille, ma moto marchait à la perfection, subitement elle ne marchait plus. Cela ne pouvait provenir que du carburant. Je vidais immédiatement mon réservoir en retournant la machine. J’allai à la pompe qui délivrait de l’essence, par chance, Oriol Bulto s’y trouvait. Je lui expliquai mon problème. « Franck, c’est ton huile qui est d’une viscosité trop épaisse. Par temps humide, avec le super aviation que nous avons à notre disposition, il faut une huile très fluide pour faire le mélange. »

Le moteur de ma Greeves était un moteur 2 temps qui fonctionnait avec un mélange d’essence additionné de quatre pour cent d’huile ricinée. Alors que les BSA et Aermacchi aux moteurs 4 temps n’étaient pas concernés par ce problème. N’ayant pas une seconde à perdre, je saisi le bidon d’huile de ma voiture. Il avait la fluidité correcte. Je fis le mélange. Au premier coup de kick mon moteur se mit en marche, fonctionna normalement. J’embrayai et rentrai au parc fermé. La pluie ne s’était pas arrêtée un seul instant !

Le départ eut lieu sous une trombe d’eau. Au premier tour je doublais Paul Godey qui semblait avoir des difficultés dans la première butte. Déjà de nombreuses motos avaient calé. J’évitais au maximum les flaques d’eau. Chaque tour je gagnais des places. A mi-course la moitié des concurrents avaient abandonné .Il restait encore deux tours à parcourir, ma poignée de gaz se coinça à moitié régime. Impossible de couper ou d’accélérer. In extremis, en ramant des deux jambes, j’arrivai à monter les collines dégoulinantes de boue. Utilisant de mon mieux la boîte de vitesses, je réussi à terminer cette première manche en neuvième position. Une fois rentré au parc, je devais dans la demi-heure de repos, faire le plein et remplacer mon câble de gaz.

Paul Godey et René Combes vinrent à mon secours. Trempés comme des soupes, nous remplaçâmes le carbu, la poignée de gaz avec son câble. Paul m’annonça que l’embrayage de sa machine avait lâché. La manche avait été remportée Don Rickman sur la Bultaco, devant les Anglais Lampkin et Smith. Paul m’encouragea : « Tiens bon, tu dois terminer coûte que coûte ! ».

Le déluge continuait. Le départ eut lieu après quelques cafouillages. Il n’y avait plus de bagarre. C’était une course d’endurance. Je notai les abandons de Bickers et Robert. Leurs Greeves gisaient en bordure de piste. Devant moi à ma portée Angelini et Oriol Bulto. J’allais plus vite qu’eux. J’attendais le moment favorable pour placer mon attaque. Angelini traversa une immense flaque de boue et accéléra au maximum. Aveuglé, mes lunettes étaient depuis longtemps inutilisables, j’allais misérablement me planter dans une ornière. J’avais débrayé en évitant au moteur de caler. Je remontai sur la bécane, épuisé par l’effort que je venais de fournir...Je terminai tout de même cinquième, position que je conservais au général.

Je marquai deux points au classement du championnat du Monde. C’était un résultat inespéré, obtenue grâce à la complicité du ciel. Le soir il y eut une remise des prix grandiose. Monsieur Bulto vint me féliciter. Je possédais le même nombre de points que son neveu Oriol. Celui-ci avait cependant bénéficié de la quatrième place pour avoir disputer un tour de plus que moi. Le classement fut le suivant : Lampkin, Angelini, Smith, Bulto et moi !

Lors de la remise des prix, j'étais avec ma femme, RCD, Paul Godey et René Combes. Nous étions à la terrasse Martini. Monsieur Bulto m'avait soufflé un petit mot : " j'espère que l'année prochaine tu seras sur une Bultaco ! ". Tous les pilotes classés étaient présents les bras chargés de belles coupes !

Source et photos : Une moto pour l’aventure - Franck Lucas